Mes spontanéités (12)
L'esprit en proie à la lassitude se repose
et l'ombre de la vie épaisse perd de sa consistance
comme si sa réalité n'avait toujours été qu'une conjecture.
Les fleurs écrasées bordent les routes imaginaires
que j'ai déroulées tout au long de mes errances effarantes
et qui s'allongent au fur et à mesure que mes yeux se ferment.
La panique à l'idée de l'anéantissement peut devenir
lancinante quand la beauté rectifie son visage
et qu'elle veut paraître plus rayonnante dans la nuit blafarde.
Sautant de joie j'atteignais sans effort les cimes invisibles
car mon rire qui s'étendait jusqu'à perte de vue
me secouait comme un autre moi-même aspirant à être.
C'est comme un nimbe au-dessus de mon crane fendu
alors que je continue d'écrire ma partition intérieure
cette métaphysique dont je m'interdis de concevoir la fin.
Loin de la mer répugnante et des bavardages criards
j'aligne des flashs de lumière sur des pages géantes
que j'entends retomber avec un bruit sourd d'ailes colossales.
Je sens le texte du soir caressant et délicat se répandre
sur une plaine que je connais encore très mal
et qui accueille l'ère de la puissance insatiable.
J'assiste à la prolifération des pierreries de l'aube
dans un décor qui graduellement devient authentique
seulement pour mes yeux éblouis par la constructive folie.
Du sang coule de plaies encore imperceptibles
et des gémissements à peine audibles et ridicules se lèvent
alors que mon regard figé perçoit une vision miraculeuse.
Loin derrière moi résonnent encore les anathèmes
de la vieille dame brèche-dent qui résistera toujours
à l'effacement et que je ne me fatiguerai jamais d'invectiver.
Une basilique suspendue apparaît à l'horizon de ces nuits
pendant lesquelles mon idéal parcourt la fumée
dont le parfum a la propriété extravagante d'un rêve éveillé.
Amusé par mes pieds qui n'osaient pas toucher l'asphalte
je poursuivais mon chemin tout en m'amusant à presser
mon allure et à regarder mon cœur s'affoler dans mes mains.
Dans la bulle je tentais de ne pas céder à la tentation
cette torture qui consiste à désirer crever les parois
qui nous séparent de ce réel que l'on a tort de regretter.