Mes spontanéités (19)
Un froid glacial entre en moi comme en un corps familier
et fait se mouvoir mes lèvres aux paroles vindicatives
alors qu'une odeur de pourriture humiliante se lève.
Les invectives enivrantes montent en moi comme un malaise
devant ce spectacle d'acteurs finissants et coprophages
dont le sourire meurtrier et stupide se croit indestructible.
Ma tête devenue légère comme ma pensée se penche
tandis que le désordre assourdissant s'atténue
et que le crépuscule nonchalant désarme ma fébrilité.
L'oxygène du jour blanc devient palpable comme un corps
toxique qui dans sa perversité attend votre sommeil
négligent et stupide pour faire de vous sa proie.
Les marionnettes figées à une table fixée au sol factice
actionnent les muscles de leurs lèvres pour produire des mots
qui à aucun moment ne doutent de la réalité de leur néant.
Une voix douce se lève à l'aube et charme l'esprit songeur
dont les souvenirs violents s'engourdissent peu à peu
dans un décor éclatant façonné par l'idée de l'avenir.
C'est maintenant que je peux voir l'horizon clarifié
et que mon ombre reconstituée et enfin illuminée
se relève de l'asphalte glaçant sur lequel elle gisait.
Le soleil a pâli au moment du réveil des hommes lourds
qui traînent leurs pieds en direction de la Lune de verre
oubliée par terre tel un ravissant souvenir abandonné.
Je me suis penché sur le futur qui ressemblait à mon passé
et je l'ai froissé comme un papier méprisable et taché
de mots tous issus d'une langue naïve et agonisante.
La résurrection de la poésie n'est donc plus un mythe
car furieux j'ai tiré les rideaux de fer qui me dissociaient
de la nature déserte que je désirais violer depuis si longtemps.
Je regarde l'eau du jour en ce moment d'extase inattendu
où je chuchote encore ce que je rêvais il y a une éternité
dans un silence que délicat je n'oserai jamais rompre.
J'entends murmurer les ombres malveillantes et comploteuses
mais elles n'ont plus la capacité de briser la vitre épaisse
qui me sépare du vacarme et de la fureur des cieux.
Tout se modifie en cette nuit multicolore où je reviens au monde
avec la conscience apaisée de l'animal tendre et alchimique
façonné par les mots que je créais pendant mon demi-sommeil.