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Le poète rapide
7 octobre 2012

A la nuit tombée

 

 

            Lorsque je me suis retourné, hier, j’ai vu une ombre fondre comme de l’acier. C’est comme si elle était posée sur mon épaule. Elle faisait probablement partie d’une humanité disparue depuis de nombreux siècles, d’un passé oublié à jamais. Du coup, je me suis surpris à méditer sur la possibilité de l’éternel retour; le temps  se dilatait, à ce moment-là.

            Je n’ai pu admettre que cette ombre fût mon double,

            D’autant plus que j’étais installé devant la télévision et que ma pensée

            (Pauvre pensée, la profonde;

             Je suis pris d’une profonde émotion quand je songe à elle,

             Surtout à la nuit tombée et quand je sens fort l’alcool métaphysique.)

            Oui, ma pensée, la frêle pensée tombait en décrépitude.

            L’homme moderne est en ruines.

             Il se croit libre; il se croit libéré de toute contrainte: c’est ce que j’écris sur une feuille que j’ai froissée tout à l’heure (dégoût d’écrire).

            C’était à la nuit tombée,

            C’était au moment où les arbres commencent de repousser,

            C’était au moment où la nuit est éclairée puis blanchie par le malheur.

            C’était il y a une éternité.

            Une éternité, oui, mais l’ombre est toujours là, bien concrète; ce n’est pas un fantôme. J’entends des voix d’assassins, dehors, des voix qui cherchent des victimes. Les victimes infatigables courent sans discontinuer. La marche du temps semble s’accélérer tout à coup. Le temps fuit en avant.

            Toutes les ombres sont écrasées par la vulgarité du temps, comme par une pluie trop lourde. Mes mots avancent comme des animaux. Comme des fauves hargneux. Je suis sur le point de la hurler, ma haine. L’instinct de destruction est remis en fonctionnement. J’étais très paisible; maintenant, tout cède à mon passage. Il n’y a pas de raison pour que cela s’arrête.

            La morsure de l’ombre est mortelle, comme celle d’un chien.

            L’ombre qui se croit libre provoque son propre anéantissement mais je ne serai jamais pulvérisé. La vie bat en moi comme cent cœurs.

            C’est la vie qui l’emporte et puis voilà. 

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