Mes spontanéités (10)
Sur le mur qui respire comme deux poumons
pullulent des vies infimes nées pour que je les regarde
et des couleurs qui ne possèdent pas encore de nom.
Assis en tailleur après un bref repos où je m'entendais délirer
je porte mon regard sur la clarté naissante du ciel précis
puis sur mes mains qui ne demandent qu'à former mon univers.
La liberté rabougrie ne peut plus voir le jour et ressasse
sans s'épuiser l'idée de son bannissement définitif
et de l'inconsistance effarante de son corps étique.
Les esprits ne sont plus dirigés que par une machine
douée de la parole et armée de cette bonne conscience
qui si vertueuse étrangle la moindre tentative de vie.
Les poignées des portes translucides se baissent
devant mes yeux écarquillés et des ombres similaires à moi
entrent puis blanches se dilatent comme mes pupilles triomphantes.
Je courais après un spectre que je ne pensais pas hideux
à l'époque où le jour pesant ne faisait que paresser
et où je ne prêtais pas une oreille attentive à mon expansion.
Les lambeaux épars de l'apparence de la réalité
s'accumulent formant un spectacle sidérant
dont il ne me reste plus qu'à faire un éloge narquois.
La boule de feu inespérée roule jusqu'à ma corruption
et incandescente vient m'envelopper avec tout l'amour
dont témoignent les tempêtes des soleils reprenant connaissance.
Le regret ne m'habite plus depuis que j'ai surpris
les contours du passé des monstres en rébellion s'estomper
qui ont fini par devenir burlesques au fil des temps.
On ne me reprendra plus à maudire le jour de la naissance
de l'enfant qui riait malgré l'eau croupie
et les larmes d'humidité courant sur les murs putréfiés.
Le miracle de l'existence nouvelle et vertigineuse
survient quand la vie semble entrer en agonie
et que la vue de l'espoir chétif commence à se brouiller.
On assiste parfois à l'effondrement de sa propre force
mais un détail de la nature retient soudain notre attention
et nous illumine comme la découverte inopinée de ses ténèbres.
Je surprends l'envol de la fumée du passé qui se consume
et levant les bras comme un enfant fier de sa victoire
je saisis au vol les mots qu'il faudra employer pour mon œuvre.