Mes spontanéités (3)
Les miroirs se sont brisés cette nuit
et dans mon sommeil j'entendais les sanglots
de mes doubles qui s'amusaient à m'inquiéter.
Le sang serein coule dans les veines de mon jour
et à ce moment-là je peux fermer les yeux
dans la nouvelle aire géographique qui s'agrandit.
La tête dans les mains je sens que mon corps s'alourdit
et que la vie peut devenir interminable
mais je vais gagner le sens de la marche.
Je ne sais pas encore ce qui va se passer
mais j'entends une voix lointaine chantonner
qui m'attire comme un être mythologique.
Des larmes ont glissé sur les feuilles bleuies
qu'agitait un ancien enfant
assis dans la terre humide et chatoyante.
J'ai poussé la porte légère qui ne grinçait plus
parce que je savais où j'allais
et que des lèvres de songe flottaient dans l'air purifié.
J'ai toujours su que l'ivresse recommencerait
et que loin du décor en carton-pâte d'hier
je courrais avec mes mots qui s'affolent.
La nuit est âpre et me coupe les jambes
quand je me réveille en sursaut
paniqué à l'idée de me perdre à jamais.
Le bruit augmente en volume
suscitant ma confusion et ma colère
et je contemple un pan de ciel qui tend à me regarder.
Déformé je me souviens du miroir
et des parties de mon visage qui n'étaient plus à leur place
de mes pieds qui refusaient de toucher terre.
Et je regardais la basilique lointaine
comme un monument devenu incongru
au moment que je perdais connaissance.
Une faim énorme me gagnait
car l'aurore du réel me tirait de mon sommeil
et me poussait à ingérer le monde.
Les lumières devenaient innombrables
et s'intensifiaient quand je fermais les yeux
saisi par une agréable fatigue hallucinatoire.